Les jugements tiennent une grande place dans une « société de droits » comme la canadienne. Si, dans l’ancienne société, pour rendre la justice, comme le pensait Lord Mansfield, nul n’était besoin d’énoncer des motifs — le faire était risqué —, aujourd’hui la loi oblige les juges non seulement à rendre des décisions, mais encore à les expliquer. D’où l’importance des motifs et de leur expression, afin qu’ils soient bien compris par les personnes auxquelles ils sont destinés. Or, l’écriture judiciaire, particulièrement complexe, ne s’improvise pas. Comme toute technique d’écriture, elle s’apprend et s’enseigne aussi. Toutefois, peu d’écrivains ont, comme les juges, un public aussi varié et changeant, en outre dans un État où règnent un bilinguisme officiel et deux traditions et cultures juridiques différentes, ce qui complique la donne. Aussi, dans cette situation singulière, l’ouvrage du Professeur Edward Berry sur la rédaction des motifs, rédigé en anglais, devait-il être rendu accessible à la communauté juridique et judiciaire canadienne d’expression française. Cela passe par la traduction — exercice périlleux s’il en est —, qui est une activité et un domaine où le Canada s’est taillé une réputation enviable depuis ses origines. L’ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada Brian Dickson avait placé la barre très haut : « Nos jugements touchent la vie de tous les Canadiens. Ils doivent donner un sens à tous ceux qui les lisent, qu’ils aient ou non des notions de droit. » Nous nous sommes efforcés d’être à la hauteur de la tâche.