Autant en théorie du droit que dans la jurisprudence, il est établi que les règles qui gouvernement l’admissibilité de la preuve sont difficilement réconciliables avec l’article 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnait les droits autochtones ancestraux. Alors que les éléments de preuve amenés afin de soutenir ces droits ancestraux sont issus de la culture autochtone et de la tradition orale, les règles gouvernant l’admissibilité de la preuve, qui s’ancrent dans une culture occidentale où les traces écrites de l’histoire sont privilégiées afin d’assurer la véracité des éléments présentés, tendent parfois à entraver l’admissibilité de certains éléments de preuve émanant de la tradition orale, voire à les exclure. Ce biais culturel, déjà reconnu dans les années 1970, a été adressé au fil du temps par la plus haute instance du pays dans plusieurs cas paradigmatiques qui prônent l’assouplissement de certaines règles. Or, malgré cette résolution en pratique, le problème théorique demeure. L’objectif de cet essai est d’offrir une solution conceptuelle à ce problème en argumentant que la prémisse sur laquelle repose l’incohérence entre l’art. 35(1) et la common law, à savoir que l’équité de notre système de justice dépend de la recherche de la vérité, est en fait elle-même incompatible avec les règles de preuve en common law, et que le biais culturel soulevé par la Cour suprême dans les années 1970 est en fait un biais épistémique bien plus profond qui s’enracine dans la conception même de la rationalité occidentale.