La neutralité technologique est un néologisme souvent invoqué pour tenter de concilier la révolution technologique avec l’évolution souvent lente du droit. En effet, que ce soit le législateur dans son office de rédaction ou le juge dans celui d’interprétation, rares sont les domaines du droit où l’on ne constate pas des tentatives d’utiliser cette notion pour motiver une position (droit de la preuve, droit d’auteur, droit de la vie privée, droit pénal, droit de la diffamation, etc.). Pourtant, au-delà de cette expression souvent vide de sens, parfois même instrumentalisée pour justifier un point de vue, cet ouvrage nous invite en premier lieu à nous interroger sur le flou qui y est associé. En second lieu, nous évoquons des doutes quant à la pertinence d’un concept aussi nouveau. D’une part, consciemment ou pas, les lois sont souvent associées à une technologie en particulier, telle que le papier ou les banques de données des années soixante-dix. D’autre part, il est une tradition propre à la nature conservatrice du droit qui, tant en matière de rédaction que d’interprétation des lois, permet de s’assurer d’une conciliation harmonieuse entre faits et droit. Gérer le « neuf » passe selon nous par un regard en arrière empreint de tradition. À la différence de la notion d’équivalence fonctionnelle, qui s’apparente davantage à des méthodes plus classiques, la neutralité technologique n’a guère contribué à apprivoiser le droit des technologies.