Cet essai présente une synthèse des conditions historiques ayant conduit à l’apparition de la jurilinguistique et favorisé son développement, ainsi que les fondements et les applications de cette discipline issue de l’exercice imposé de la traduction, depuis la conquête de la Nouvelle-France par l’Angleterre (1759-1760). De pratique fortuite, rudimentaire et tâtonnante à ses débuts, l’activité traduisante, au Canada, a progressivement évolué en savoir-faire, puis en méthode et, enfin, au stade ultime et récent, en discipline, laquelle s’est diversifiée en s’étendant hors du champ historique de la traduction, sa source initiale et principale, pour se développer au contact de disciplines tributaires. La quête de l’expression optimale du droit expose les fondements de la jurilinguistique, savoir-faire, méthode et discipline née au Canada, de ses origines à nos jours, ainsi que le rôle que les traducteurs, puis les traducteurs juridiques, jurilinguistes avant l’heure, lui ont fait tenir dans l’évolution positive de l’expression du langage du droit.
En sciences sociales et humaines, le recours à la recherche empirique et la recherche de terrain, que celles-ci soient de nature qualitative ou quantitative, va de soi. En science juridique, ces méthodes de recherche demeurent peu utilisées et leurs pratiques, peu documentée. Pourtant, pour rendre compte de l'articulation entre le droit et les activités sociales, la diversification des méthodes de recherche est un allié précieux, voire indispensable.
Or, les juristes souhaitant explorer de telles pratiques de recherche sont susceptible de fare face à plusieurs interrogations pratiques: Comment parvenir à élaborer une problématique de recherche dont le point de départ n'est pas nécessairement la norme juridique et son application par les autorités chargées de sa mise en œuvre? Comment recourir à certaines sources formelles du droit, comme la jurisprudence, autrement que dans une perspective exégétique? Pourquoi et dans quelles circonstances convient-il de recourir à une méthodologie qualitative ou quantitative ? À quelles fins et avec quels partenaires fait-on de le recherche empirique?
L'objectif de cet ouvrage est de rendre des défis, limites et potentialités de ces pratiques dans le champ juridique.
La vérité est souvent implicitement conçue comme au cœur de nos investigations juridiques. Alors que les règles de base guidant l’admissibilité de la preuve sont présentées comme ayant pour objectif la recherche de la vérité, les procès, eux-mêmes, sont perçus comme ayant pour objectif la recherche de la vérité, ou du moins des faits réels. Cette intuition, à savoir que la recherche de la vérité est essentielle au maintien de la légitimité de nos systèmes d’arbitrage, est tout-à-fait compréhensible. Lors d’un procès, un juge doit déterminer ce qui s’est passé dans la vie réelle des individus, et on s’attend à ce qu’un juge administre la justice de manière équitable et impartiale, et que sa décision soit prise en fonction des faits. Or, l’équité du système judiciaire repose sur la cohérence entre les faits, le droit et le verdict. Toutefois, la justice et l’équité que l’on s’attend d’un juge ne correspond pas à un idéal de justice abstraite, mais bien à une justice positive, telle qu’elle est définie par la loi et la jurisprudence. En conséquence, la question n’est pas tant de savoir quels sont les « faits réels » sur lesquels doivent reposer la décision d’un juge, mais bien quels sont les faits admissibles. Déjà, ce constat fait en sorte que l’on doit réduire ses attentes face à l’idéal de la quête de la vérité en droit.
En réfléchissant sur les règles qui gouvernent l’amissibilité de la preuve par ouï-dire et par témoins experts en droit de la preuve, ainsi qu’en portant notre attention sur la méthodologie en droit, on constate que ce n’est pas tant la vérité qui est au cœur de nos investigations juridiques, mais bien la quête de l’adéquation empirique de nos croyances, où l’on veut s’assurer qu’on est justifié de croire en ce qui est avancé. Ainsi, même s’il y a toujours un doute qui plane, la question est de savoir si nous sommes néanmoins justifiés d’y croire.